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Séminaire Santé Numérique - Le numérique et l’IA pour la santé à toutes les échelles

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Série Séminaire Santé Numérique

Cette série de quatre articles constitue un compte-rendu du séminaire Santé Numérique organisé par l'ITN.

De la technologie à la solution globale : vers une transformation numérique des dispositifs médicaux

Le numérique et l'intelligence artificielle redéfinissent progressivement le paysage des soins de santé, offrant de nouvelles perspectives pour optimiser les parcours de soin et améliorer la précision des diagnostics. Céline Dujardin, Directrice des comptes stratégiques chez Medtronic France, a exposé sa vision de cette révolution en cours, centrée sur l’évolution des dispositifs médicaux.

Au-delà des technologies individuelles, l’enjeu réside désormais dans l’intégration de ces outils dans des solutions globales et connectées, capables de répondre aux défis actuels du secteur de la santé. L’IA, en particulier, transforme la manière dont les soins sont délivrés, rendant possible une médecine plus personnalisée, efficace et proactive. Cependant, cette transformation se heurte encore à des obstacles, notamment en matière de réglementation, de financement et de cybersécurité.

Une révolution numérique à l’œuvre dans le secteur des dispositifs médicaux

Les dispositifs médicaux occupent une place omniprésente dans notre système de santé, qu’il s’agisse de pansements, implants, ou équipements de mobilité comme les fauteuils roulants. Historiquement utilisés de manière autonome, ils sont aujourd’hui au centre d’une transformation numérique profonde, favorisée par l’essor des technologies de l’intelligence artificielle et des dispositifs connectés. Cette évolution permet une intégration complète des dispositifs médicaux dans des solutions globales qui couvrent tout le parcours de soin, depuis la prévention jusqu’au suivi post-thérapeutique.

Céline Dujardin explique que cette transition marque un changement fondamental pour les industriels de la santé et les établissements hospitaliers. “Nous passons de dispositifs isolés à des systèmes intégrés et connectés, capables de s’inscrire dans une approche globale qui optimise le diagnostic, le suivi et la gestion des patients,” souligne-t-elle. Cette mutation vers des dispositifs “intelligents” renforce la précision des diagnostics et la qualité des soins, tout en contribuant à alléger la charge de travail des professionnels de santé.

L’intelligence artificielle au cœur des soins

L’intelligence artificielle révolutionne aujourd’hui plusieurs aspects du parcours de soin, rendant possible une standardisation accrue, un gain de temps pour le personnel médical, et une optimisation des ressources. Les innovations issues de l’IA permettent également une personnalisation plus fine des soins, adaptée aux particularités de chaque patient.

Les dispositifs médicaux utilisant l’IA montrent des résultats prometteurs : des tests récents sur une endoscopie dotée d’IA ont, par exemple, démontré une réduction de près de 50 % des adénomes manqués lors des coloscopies, limitant les risques postérieurs de développement de cancers pour les patients. “Il s’agit une avancée significative pour la détection précoce et le traitement des maladies, grâce à des diagnostics plus précis et des soins mieux ciblés,” ajoute Céline Dujardin. Ces technologies, une fois pleinement intégrées, ouvrent la voie à des solutions globales de santé qui allient efficacité et personnalisation.

Les défis à relever : réglementation, cybersécurité et financement

La transformation numérique des dispositifs médicaux, bien que prometteuse, s’accompagne de nombreux défis. Le cadre réglementaire actuel impose des normes strictes pour l’approbation des dispositifs médicaux. L’AI Act, règlement européen sur l’intelligence artificielle, pose de nouvelles exigences pour l’utilisation de l’IA en santé, ajoutant des étapes supplémentaires pour garantir la sécurité et l’efficacité de ces dispositifs.

Le financement des dispositifs médicaux numériques constitue également un frein. En France, les dispositifs numériques innovants ne bénéficient pas toujours de financements publics adaptés, ce qui ralentit leur adoption à grande échelle. Ce défi souligne l’importance d’une intégration des technologies numériques de santé dans le système de santé français afin de maximiser leur impact sur les soins.

Enfin, la cybersécurité se révèle cruciale pour les dispositifs connectés, particulièrement exposés aux cyberattaques. La protection des données sensibles et la sécurité des dispositifs médicaux sont des priorités pour les industriels et les décideurs. “La sécurité des données patient est un enjeu fondamental. Il est impératif de pouvoir anticiper et contrer ces menaces pour garantir l’intégrité des dispositifs médicaux et la confidentialité des informations personnelles,” insiste Céline Dujardin.

De la technologie à la solution globale : une vision pour l’avenir

Pour les décideurs, l’exemple de l’intégration des dispositifs médicaux dans des solutions globales offre des perspectives concrètes sur le rôle des technologies numériques en santé. L’ITN, à travers des initiatives comme le séminaire ITN Santé Numérique, montre que Mines Paris – PSL s’impose comme un acteur de premier plan dans l’innovation numérique et la recherche de solutions disruptives pour les défis de santé. Avec des stratégies coordonnées entre recherche, innovation technologique et réglementation, il devient possible de faire du numérique une véritable réponse aux enjeux de santé publique.

Ce modèle, de la technologie à la solution globale, représente un potentiel énorme pour optimiser les soins, réduire les coûts et améliorer la qualité de vie des patients.

L’intelligence artificielle pour la médecine de précision

Thomas Walter, directeur du Centre de Bio-informatique (CBIO) de Mines Paris – PSL, expos les avancées récentes de son équipe dans l’application de l’intelligence artificielle à la médecine de précision. Ce domaine, qui vise à personnaliser les traitements en fonction des caractéristiques biologiques spécifiques de chaque patient, bénéficie des innovations technologiques proposées par le CBIO.

En utilisant des méthodes avancées d’apprentissage automatique et d’analyse de données massives, l’équipe du CBIO s’attaque à des enjeux majeurs de la médecine moderne, comme le diagnostic précoce du cancer, la prédiction des réponses aux traitements, et la découverte de nouveaux médicaments. Des exemples tels que les études d’associations génétiques, la pathologie computationnelle et la chimiogénomique démontrent l’impact de ces technologies sur l’amélioration des soins de santé.

L’IA au service de la médecine de précision : une révolution en cours

La médecine de précision, qui vise à adapter les traitements en fonction des caractéristiques individuelles des patients, est en plein essor grâce aux avancées de l’IA. Thomas Walter et son équipe au CBIO travaillent sur des méthodes d’analyse de données massives pour prédire les comportements biologiques à un niveau inédit de précision. Ces innovations, appliquées à la biologie, aux molécules et aux génomes, ouvrent de nouvelles avenues pour la compréhension des maladies et la conception de traitements plus ciblés et efficaces.

L’intelligence artificielle au cœur des analyses génétiques

L’un des défis majeurs de la médecine de précision réside dans l’analyse des données génétiques complexes. Certaines approches nécessitent le développement de méthodes statistiques adaptées, car le nombre de variables génétiques est bien supérieur à celui des patients, rendant l’analyse extrêmement complexe. C’est le cas par exemple pour les Genome Wide Association Studies (GWAS), une méthode visant à prédire des caractéristiques liées à un patient, telles que le risque de rechute d’un cancer ou la réponse à un traitement, en fonction des variants génétiques (SNPs). Les progrès dans ce domaine permettront de mieux comprendre les liens entre génétique et maladies, et de personnaliser les traitements en fonction du profil génétique de chaque patient.

La biologie structurale et la chimiogénomique : vers de nouveaux médicaments

Une autre application majeure de l’IA dans la médecine de précision réside dans la chimie et la biologie structurale. Le CBIO développe des méthodes permettant d’analyser les propriétés des protéines et des molécules pour prédire leurs interactions et concevoir de nouveaux médicaments. La chimiogénomique, en particulier, permet d’identifier les interactions entre protéines et molécules, facilitant ainsi la découverte de traitements plus efficaces et plus spécifiques pour diverses pathologies.

Le diagnostic précoce du cancer : un enjeu crucial

La précocité du diagnostic des cancers est une problématique majeure, notamment pour le cancer du poumon qui est souvent diagnostiqué à un stade avancé, réduisant ainsi les chances de survie des patients. En utilisant des échantillons de frottis nasal, une méthode similaire à celle des tests COVID, et des techniques de machine learning, le CBIO a développé un modèle prédictif permettant d’identifier les personnes à haut risque de développer un cancer du poumon. Ce projet vise à faciliter un diagnostic plus rapide et plus précoce, une approche essentielle pour améliorer les taux de survie des patients.

La pathologie computationnelle : une approche innovante pour prédire l’évolution des cancers

Dans le domaine de l’anatomopathologie, où les images de coupes de tumeurs sont analysées pour obtenir des informations sur la maladie, l’IA permet de développer des modèles prédictifs encore plus sophistiqués. Le CBIO a travaillé sur des applications de cette technologie pour prédire la réponse aux traitements, le risque de rechute ou même des signatures génétiques, notamment dans la lutte contre les cancers cervicaux et du larynx. Ces avancées, qui reposent sur des images de haute résolution, offrent une meilleure compréhension de l’évolution des cancers et ouvrent la voie à des traitements plus adaptés.

De la recherche fondamentale à la médecine de précision : les grandes perspectives du CBIO

En plus de ses travaux de recherche appliquée, le CBIO envisage de réconcilier des modèles mécanistiques et statistiques pour améliorer encore l’efficacité de la médecine de précision. L’analyse du parcours des patients à travers les données massives générées dans les hôpitaux est une autre voie prometteuse pour l’application de l’IA, permettant de mieux comprendre l’évolution des maladies et de prédire les réponses aux traitements.

L’équipe du CBIO est également impliquée dans des projets de pointe, comme la transcriptomique spatiale, une technologie révolutionnaire qui permet de distinguer les différences subtiles entre les patients réagissant positivement ou négativement à un traitement. Ces avancées permettent de mieux personnaliser les soins et d’optimiser les traitements pour chaque patient.

L’institut PRAIRIE : une recherche interdisciplinaire en IA

Le CBIO est impliqué dans des projets d’envergure nationale et internationale. Le laboratoire participe activement à l’initiative PRAIRIE, un institut d’excellence en IA qui favorise les collaborations à haut niveau, et à des projets tels que Cell-ID, qui vise à comprendre les trajectoires cellulaires à l’origine de pathologies, notamment les cancers pédiatriques. Le CBIO est également impliqué dans des projets de recherche multidisciplinaires au sein de l’Institut des Cancers de la Femme, visant à améliorer la prise en charge des femmes atteintes de cancers gynécologiques ou du sein.

U1st Vision de Software République : la santé numérique au service des citoyens et des territoires

Le projet U1st Vision de Software République incarne une innovation décisive dans le domaine de la santé numérique, au service des citoyens et des territoires. Alliant mobilité, intelligence artificielle et gestion des données, cette solution collaborative et pluridisciplinaire offre une réponse concrète aux déserts médicaux, que ce soit en France ou à l’international, tout en intégrant les enjeux de prévention, de diagnostic et de soins continus.

Software République est un écosystème collaboratif européen qui réunit six grandes entreprises issues de secteurs variés tels que l’automobile, les technologies médicales et numériques, ainsi que les services publics : Dassault Systèmes, Eviden, Orange, Renault Group, STMicroelectronics et Thales. Ensemble, ces acteurs visent à rapprocher les services de santé des populations.

Une réponse concrète aux déserts médicaux

Dans un contexte mondial où l’accès aux soins reste inégal et souvent insuffisant, U1st Vision propose une solution radicalement nouvelle pour répondre aux déserts médicaux. Le concept s’appuie sur l’idée que, pour améliorer la santé publique, il faut d’abord rapprocher les services médicaux des populations. Partant de ce constat, U1st Vision a développé une infrastructure mobile innovante, capable d’offrir des services médicaux de proximité, même dans les zones les plus isolées ou sous-équipées, qu’elles soient en France, en Afrique ou ailleurs. Le cœur du projet repose sur un véhicule utilitaire léger, le FlexEVan, équipé d’un module autonome multiservice, ou « pop-up ». Ce laboratoire mobile contient l’ensemble des équipements nécessaires pour effectuer près de 85 % des examens médicaux les plus courants directement sur place, évitant ainsi aux patients des déplacements coûteux en temps et en énergie vers les centres hospitaliers éloignés.

Ces unités mobiles sont conçues pour s’intégrer aux territoires qu’elles desservent, grâce à une cartographie précise des zones nécessitant des soins. Ces « pop-ups » sont une innovation, non seulement parce qu’ils permettent un diagnostic rapide et fiable, mais aussi parce qu’ils garantissent la continuité des soins en s’appuyant sur une gestion sécurisée des données médicales. À travers l’utilisation d’une identité médicale numérique, chaque patient est assuré d’un suivi personnalisé, où qu’il se trouve.

La synergie entre IA et mobilité : un modèle de santé connectée

L’intelligence artificielle joue un rôle central dans l’efficacité du projet U1st Vision. Les données recueillies à partir des examens médicaux, au nombre de 21 paramètres suivis en continu, sont analysées en temps réel par des algorithmes avancés. Cela permet d’accélérer les diagnostics et de prévenir l’aggravation de certaines conditions médicales avant qu’elles ne deviennent critiques. En intégrant ces analyses au parcours de soin, U1st Vision améliore non seulement la qualité des soins, mais permet également d’anticiper les besoins futurs en matière de santé publique.

Cette approche proactive est renforcée par la connexion continue des modules à une plateforme centralisée de gestion des données. Chaque unité mobile est équipée de dispositifs permettant de communiquer avec les autorités sanitaires et les professionnels de santé. Ces derniers peuvent ainsi suivre l’évolution de l’état de santé des populations locales, mieux planifier les interventions médicales et ajuster les ressources en fonction des besoins réels.

Le projet met également en avant des outils de prévention avancés, rendant les contrôles médicaux plus accessibles et réguliers. En étant présents directement sur le terrain, ces dispositifs encouragent les citoyens à consulter plus fréquemment, à participer à des programmes de dépistage précoce et à prendre en charge leur santé de manière proactive.

Une collaboration multi-acteurs vectrice d’innovation

U1st Vision est un exemple de ce que l’innovation collaborative peut apporter dans le secteur de la santé. Software République a réuni plus de 20 entreprises, issues de divers secteurs d’activité, pour travailler ensemble à la conception et à la mise en œuvre de cette solution. Parmi les partenaires impliqués, on retrouve des géants de l’industrie ainsi que des start-ups et des acteurs du secteur public. Cette combinaison de compétences variées a permis de développer une solution aboutie en seulement six mois, un temps record pour un projet de cette envergure.

La méthodologie adoptée repose sur une collaboration horizontale et agile, qui favorise l’intégration rapide des innovations, tout en répondant aux exigences des territoires desservis. L’un des facteurs clés de réussite du projet est l’inclusion d’entreprises de toutes tailles, en particulier des start-ups, qui apportent une flexibilité et une vitesse d’exécution inégalées dans de grands groupes industriels. Cette diversité d’acteurs permet également une grande ouverture, les solutions développées étant pensées pour être répliquées dans d’autres contextes, au-delà des premiers territoires cibles.

Renault, par exemple, a joué un rôle décisif dans la conception des véhicules électriques qui servent de supports aux laboratoires mobiles. Ces véhicules, appelés à devenir des outils de mobilité pour d’autres secteurs, illustrent parfaitement comment les innovations développées pour un projet spécifique peuvent s’appliquer à des industries multiples, créant ainsi des synergies inédites.

Une santé numérique inclusive et durable

L’une des ambitions majeures de U1st Vision est de rendre la santé numérique accessible à tous, peu importe la localisation géographique ou le niveau de développement de l’infrastructure locale. L’objectif est non seulement d’apporter des solutions médicales là où elles manquent, mais aussi de renforcer la prévention, de faciliter les diagnostics précoces et d’améliorer la qualité de vie des populations les plus vulnérables.

Le projet ne se limite pas aux soins curatifs. La prévention est un axe fort de U1st Vision, grâce à des dispositifs connectés permettant la surveillance continue de l’état de santé des citoyens. Ces données, collectées de manière sécurisée, sont intégrées à des systèmes d’information qui permettent aux citoyens de se connecter à leur espace santé personnel, où ils peuvent suivre leurs propres paramètres et recevoir des conseils adaptés. De plus, ces outils permettent aux autorités locales de mieux anticiper les besoins en personnel médical et en ressources, en visualisant les évolutions des conditions de santé dans les territoires. Ce modèle contribue à désengorger les systèmes de santé traditionnels et à offrir des services médicaux plus efficaces, tout en réduisant la pression sur les infrastructures hospitalières.

Des solutions de santé au service des territoires

U1st Vision apporte également une dimension territoriale forte à la santé numérique. Les solutions proposées ne se limitent pas à une approche individuelle, mais s’inscrivent dans une vision plus large de gestion des services publics. Les modules de santé mobiles peuvent être utilisés pour soutenir des initiatives locales, comme la planification urbaine, la gestion des îlots de chaleur ou l’amélioration de la qualité de l’air dans les zones urbaines. Cette capacité à intégrer les enjeux territoriaux dans la gestion des services de santé est rendue possible grâce à l’utilisation des technologies de jumeaux numériques, qui permettent de simuler et d’optimiser les services en fonction des caractéristiques locales. En utilisant ces outils, les décideurs peuvent prendre des décisions éclairées, soutenant à la fois le bien-être des citoyens et l’efficacité des services publics.

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